« À la mort d’Abdelwahab Meddeb, nous avons retrouvé 79 carnets de notes et de voyages. Dans l’absence d’ordre évident, nous avons pris le parti de tracer une ligne qui part de l’occident musulman vers l’orient moyen puis extrême. La reconstitution de ce voyage d’Orient se compose d’une traversée qui débute à Marrakech et se termine au Japon, avec des détours par l’Espagne, l’Italie, la Tunisie, Sarajevo, Alexandrie, Jérusalem et Aman, sans oublier ses longs séjours au Caire, l’une de ses villes préférées. Nous qui l’avons connu dans l’intimité pouvons dire qu’Abdelwahab écrivait partout. Il emportait toujours avec lui un cahier, un carnet de notes. La balade et l’écriture étaient presque concomitantes. Lors de ses longues pérégrinations, il lui arrivait de faire une halte dans un café, à l’ombre d’un arbre, ou de s’asseoir à même le sol, dans le patio d’un palais ou d’une mosquée pour écrire.

Les manuscrits, presque sans aucune rature, d’une écriture minutieuse et appliquée, passant de l’arabe au français, parsemés de croquis architecturaux, de dessins de paysage, de plantes ou de fleurs séchés dénotent l’émerveillement sur les lieux visités.Il détaille aussi les vins, les mets dégustés, parfois même les recettes retenues. En Italie, en Andalousie, Abdelwahab nous met sur les traces d’un Orient rêvé – mais si réel pour qui sait voir l’empreinte laissé en occident. Peu à peu, se tisse un dialogue avec ses auteurs favoris, Ibn Arabî, Dante, Sohrawardi, Hölderlin, Goethe, Paul Celan. Une tristesse l’accompagne parfois dans certains lieux, Jérusalem, Sarajevo et à certains moments marqués par des conflits comme la guerre du Golfe ou le bombardement de Beyrouth en 2006.

Enfin, ce qui nous frappe le plus à la lecture de ces carnets, c’est à quel point, ils nous permettent de voyager avec lui pas à pas, on entre en intimité avec Tanger, Fès, Venise, Le Caire, villes qu’il nous révèle comme on ne les aurait jamais vues, en y ajoutant des strates littéraires, historiques, héroïques, architecturales et poétiques. Il parcourt les villes, s’y installe et tente de comprendre, cherche le sens, l’essence des lieux, chaque détail est scruté. »
Amina et Hind Meddeb.

Avec Hind Meddeb, réalisatrice et journaliste, fille d’Abdelwahab Meddeb, écrivain connu du grand public pour son émission Cultures d’Islam sur France Culture et son livre La maladie de l’Islam paru au lendemain des attentats du 11 septembre. Il était aussi poète, romancier, critique de cinéma, commissaire d’exposition, éditeur, traducteur, historien de l’art.

Rencontre ponctuée de lectures par un·e comédien·ne du Studio 8 de l’École du Nord, École supérieure d’Art Dramatique – Direction David Bobée